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Gestion des déchets ménagers : et si la France rattrapait son retard ?
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(Extrait d’un article paru sur le site Dur’Alpes en mai 2009)

Toute l’activité humaine consiste à créer des richesses en partant d’un produit pour en fabriquer un autre. Et tous les biens que notre société de consommation produit deviennent tôt ou tard des déchets qu’elle doit apprendre à gérer. Placés hors de la vue au fond du bois, brulés dans un coin de jardin, ou entassés à proximité des villes… à l’échelle du temps, les déchets deviennent de véritables indicateurs sociologiques. Chaque époque se caractérise par des modes de traitement différents.
La diversification des techniques amène à des choix parfois complexes. Chaque mode de traitement présente ses avantages et ses inconvénients ; il n’existe pas de panacée. Dès lors, il s’agit de déterminer les différents outils de gestion des déchets les mieux adaptés au contexte socio-économique local.
Depuis plusieurs années déjà, la tendance est au tri et à la collecte sélective. Portées par les réglementations nationales et européennes, les pratiques se modifient en profondeur, et tendent toutes vers un même objectif : favoriser la valorisation matière par recyclage et compostage, tout comme la valorisation énergétique des déchets.
La notion de déchets - ces résidus que les hommes jugent inutiles dans un contexte donné - reste subjective. Ils symbolisent l’ère de la consommation à outrance, représentent un gaspillage de matières premières et d’énergie. Source potentielle de pollution de l’air, de l’eau et des sols, et, dans la mesure où leur quantité et leur toxicité ne cessent de croître, ils constituent une menace pour l’environnement.
Que pensez alors de la mise en décharge - ou stockage - et de l’incinération qui ne rentrent pas dans les procédés de valorisation ?

Les enjeux d’aujourd’hui appellent à des comportements plus responsables ; valoriser durablement les déchets est avant tout un choix politique, un choix de société.

La France, mauvaise élève de la valorisation matière

Confirmé par les derniers chiffres d’Eurostat, la France est toujours à la traîne par rapport à la moyenne européenne concernant la valorisation matière de ses déchets. Les techniques de valorisation consistent à redonner une valeur marchande aux déchets. Seuls les procédés de réemploi-réutilisation, de recyclage et les différentes formes de compostage permettent d’économiser des ressources et de l’énergie. Ainsi, seulement 16% des déchets municipaux sont recyclés et 14% sont compostés. Autrement dit, moins d’un tiers de nos déchets municipaux est valorisé par utilisation de la matière qu’ils contiennent. Nos proches voisins peuvent se vanter de meilleures performances : les Pays-Bas, la Suède, l’Allemagne et la Belgique recyclent et compostent plus de 50% de leurs déchets municipaux. Le corollaire de ce faible taux de valorisation matière est un fort recourt à la mise en décharge (34%) et à l’incinération (36%, soit le 5ème rang européen) de ses déchets municipaux. La France accueille à elle seule plus du quart des installations d’incinération en Europe (130 usines).

Une idée reçue voudrait que les pays méditerranéens, la France en faisant partie, ne puissent pas atteindre de hautes performances de tri et donc de valorisation matière du fait de la culture « latine » de leur population. Or l’Italie, pays pourtant plus « méditerranéen » que la France, réussit à gérer durablement une partie de ses déchets municipaux - un tiers est composté - (ceci concerne bien entendu la gestion légale des déchets municipaux très éloignée des activités scandaleuses de la mafia napolitaine qui a dispersé des déchets ultra-toxiques dans la région de la Campanie pendant des années afin d’engranger les bénéfices liés au marché du « traitement » de ces mêmes déchets).
Il faut donc chercher ailleurs pour comprendre pourquoi la France se distingue par un faible taux de valorisation matière de ses déchets.

Le choix historique de l’incinération conditionne la politique « déchets » depuis des décennies

Dans les années 70, le choix politique structurant d’utiliser l’incinération comme principal mode de traitement des déchets s’est avéré très controversé. Solution de facilité ? Mythe du feu purificateur ? La combustion des déchets en mélange est loin d’être satisfaisante : son aspect radical ne laisse pas de place à l’analyse comportementale des populations et ses coûts environnementaux sont très élevés (timidement pris en compte par la nouvelle TGAG - taxe générale sur les activités polluantes) ; en outre, l’incinération est aujourd’hui un des principaux responsables de l’explosion des coûts liés à la gestion des déchets. La mise aux normes des installations a coûté aux collectivités près de 900 millions d’euros.

Un autre choix aurait consisté à séparer les déchets en fonction de leur nature pour valoriser la matière, à commencer par les déchets organiques (compostage et méthanisation) et les recyclables secs (réemploi et recyclage). Or, pour pouvoir fonctionner efficacement, un incinérateur doit accueillir des tonnages constants de déchets sur des décennies. On comprend donc pourquoi le développement des alternatives qui entrainerait la baisse de rentabilité des incinérateurs, a été bridé.
Soulignons qu’en France, le tri n’a été inscrit dans la loi qu’en 1992. Certaines villes ne l’ont instauré que très tardivement, à l’instar de la capitale qui l’a généralisé dans l’ensemble de ses arrondissements seulement en 2002 !
Les décharges et incinérateurs, utilisés pour traiter 70% des déchets municipaux en France, doivent voir leur capacité diminuer afin d’orienter ces déchets vers des filières réellement écologiques et durables.

Quels enjeux pour les collectivités locales dans les politiques de gestion des déchets ?

En France, les politiques de gestion des déchets sont définies au niveau national par la loi n°92-646 du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux installations classées pour la protection de l’environnement qui fixe les grandes orientations. C’est ensuite le département qui est responsable de la planification sur dix ans de la mise en œuvre de la politique des déchets en décidant par exemple du type d’installation de traitement, de leur nombre, etc.
Les collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale sont, quant à eux, responsables d’un point de vue opérationnel, de la collecte et/ou du traitement des déchets au niveau local. « Moteurs » dans la politique de gestion des déchets municipaux, les collectivités locales ont un rôle éducatif capital. Elles peuvent en effet faire des choix qui influencent la quantité de déchets à prendre en charge en développant par exemple le compostage domestique ou collectif de quartier, ou bien en travaillant en coopération avec des structures appelées « recyclerie » qui réparent et rénovent des objets destinés aux « encombrants ». Elles peuvent aussi choisir d’informer et d’agir sur la prévention, inciter les habitants à trier plus et à jeter moins en instaurant un système de tarification avantageuse du service d’enlèvement des déchets ménagers. Ce dispositif présente un triple avantage : faire varier la facture en fonction de la quantité de déchets non triés jetés à la poubelle - plus on trie, moins la facture est élevée - faire diminuer efficacement la quantité de déchets à incinérer ou à enfouir, augmenter les quantités de déchets compostés et triés pour le recyclage.

Les collectivités ont donc un rôle déterminant à jouer dans la mise en œuvre concrète de la réduction et de la gestion durable des déchets, et dans la sortie progressive de l’incinération et de la mise en décharge qui constituent un gaspillage de matière et d’énergie. L’incinération est considérée comme un procédé de valorisation énergétique si elle répond à un critère strict d’efficacité énergétique légalement défini par l’Union européenne dans la Directive cadre sur les déchets. En France, la quasi totalité des incinérateurs ne satisfait pas à ce critère car la quantité d’énergie qu’ils produisent est trop faible par rapport à celle qui est mobilisée pour la combustion des déchets. Par ailleurs, l’incinération et la mise en décharge émettent des gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone et le méthane). Aussi, l’expression « valorisation énergétique » pour qualifier l’incinération est un abus de langage.

S’engager dans une politique de gestion durable des déchets

S’orienter aujourd’hui vers le recyclage et la valorisation par traitement biologique des déchets organiques, comme le compostage et la méthanisation, appelle de nombreux changements et de nouveaux choix politiques. Il est temps de sortir de la voie de l’élimination (incinération et stockage) qui ne répond absolument pas aux principes du développement durable que sont la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la préservation des ressources naturelles. Il est nécessaire de minimiser l’impact environnemental de la production et de la gestion des déchets.

Certains efforts sont réalisés sur l’optimisation des tournées de collecte pour économiser le carburant et diminuer les émissions de CO2. Mais il faut agir aussi plus en amont : mettre en place des politiques de prévention pour inciter les industriels à mieux concevoir, en proposant par exemple des produits à longue durée de vie, faciles à réparer et à recycler ; encourager les particuliers à adopter des gestes permettant de moins jeter ; reconnaître la valeur utile de la matière des déchets en favorisant le recyclage et le compostage et donc en mettant en place des systèmes performants de séparation de ces déchets à la source. C’est en effet le tri à la source qui garantit la qualité des matières qui pourront être réinjectées dans un processus de production. La Belgique parvient dans un grand nombre de collectivités à valoriser plus de 60% des déchets municipaux par réutilisation, compostage et recyclage, soit plus du double qu’en France. Chaque territoire a bien entendu ses spécificités mais il existe des solutions pour chacun d’entre eux à condition d’accepter de réfléchir autrement et de s’inspirer des bonnes pratiques existantes en France et à l’étranger.

Anticiper les nouveaux objectifs prévus par le Grenelle de l’environnement

Au niveau national, certaines dispositions du Grenelle de l’environnement, dont les textes de loi sont en cours d’adoption (deuxième lecture pour Grenelle 1 et procédure d’urgence pour Grenelle 2), fixent de nouveaux objectifs allant dans le sens d’une politique plus durable de prévention et de gestion des déchets.

Le Grenelle propose de diminuer la production de déchets par habitant de 7% sur les cinq prochaines années. Cela implique la mise en œuvre par les collectivités de programmes locaux de prévention des déchets, qui peuvent être en partie financés par l’ADEME. La performance de valorisation matière devra augmenter pour atteindre 45 % des déchets ménagers et assimilés d’ici 2015. Parallèlement, le coût de l’incinération et de la mise en décharge est augmenté via la TGAP. En outre, les collectivités seront chargées de mettre en place un système de tarification incitative du service d’enlèvement des déchets d’ici 5 à 10 ans afin de favoriser le geste de tri. Cela permet d’envoyer un message clair en faveur des autres filières que sont les traitements biologiques des déchets organiques et le recyclage.

Le changement de paradigme dans la gestion des déchets est une nécessité : cette problématique doit être prise en compte depuis l’amont, c’est-à-dire depuis la production des biens, en passant par le geste d’achat et jusqu’ au traitement. La prévention est une partie intégrante de ces politiques. Si le Grenelle propose un début de changement, c’est bien les collectivités qui pourront en être les maîtres d’œuvre, en travaillant en concertation avec la population, les associations et les professionnels de leurs territoires. Anticiper les objectifs du Grenelle, c’est se donner les chances de mieux réussir le changement pour répondre aux enjeux actuels et respecter les générations futures.

Source ADEME, Les déchets en France, complétée par le Cniid.

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