La France accueille sur son territoire un tiers des incinérateurs européens. Le développement de la filière industrielle d’incinération des déchets y a été permis grâce à un soutien politique affiché.
L’incinération est le mode de traitement des déchets le plus couteux parce que le plus complexe. L’infrastructure elle-même est déjà très coûteuse, mais depuis la mise en place de normes d’émissions de polluants au début des années 2000, les exploitants ont été obligés d’équiper leurs incinérateurs de technologies de contrôle et de traitement des fumées qui ont fait grimper l’addition. Dans un même temps, cela a largement bénéficié au secteur industriel en charge de la production de ces équipements.
Pour conforter la place de leader sur les marchés mondiaux des deux géants français des déchets (Veolia et Suez), les gouvernements successifs ont introduit et maintenu des avantages financiers pour encourager les collectivités à faire le choix de l’incinération :
De même, toute demande de moratoire sur l’incinération a systématiquement été rejetée, notamment celle portée par le Cniid pendant le Grenelle de l’environnement.
L’incinération, présentée par les politiques français et les industriels comme LA solution de traitement des déchets, s’est donc imposée aux collectivités sans réelles possibilités de remise en question.
En France, la compétence de gestion des déchets est attribuée aux collectivités. C’est donc elles qui choisissent les solutions de traitement pour leur territoire et qui en assument les coûts, même si la construction et l’exploitation sont le plus souvent déléguées à des entreprises privées.
La construction d’un incinérateur, dont on estime la durée de vie à 20 ans minimum, est un engagement financier de long terme pour les collectivités. En effet, elles doivent non seulement rembourser les crédits contractés pour la construction de l’infrastructure, mais aussi assumer les coûts d’entretien et de mise aux normes régulières. De plus, les incinérateurs sont de véritables aspirateurs à déchets qui sont construits pour fonctionner avec une quantité de déchets constante. Sans quoi, les coûts de fonctionnement augmentent et l’exploitant répercute ce manque à gagner sur la facture de la collectivité. C’est la première irréversibilité que pointait déjà en 2006 un rapport du service d’études économiques du ministère de l’environnement [1].
Ce rapport met également en évidence une seconde irréversibilité de l’incinération, qui "réside dans la contrainte qu’impose la durée de vie d’un incinérateur sur les choix futurs de la combinaison des options de traitement des déchets dans zone concernée" [2]. Par l’engagement financier de long terme qu’elle implique, l’incinération constitue de fait un frein à la mise en place de politiques volontaristes de réduction des déchets, et de développement de modes de traitement alternatifs (compostage, méthanisation, extension du recyclage).
[1] D4E, Les études de monétarisation des externalités associées à la gestion des déchets, janvier 2006, p. 16.