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Le mirage du compostage sur ordures ménagères résiduelles persiste
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Le 1er mai 2009,

Le tri mécano-biologique (TMB) peut éventuellement être utile et trouver sa place dans la gestion des déchets comme outil de stabilisation des ordures ménagères résiduelles (OMR) après collecte sélective des biodéchets pour minimiser l’impact de la mise en décharge. Par contre, c’est un leurre de croire qu’il pourrait être considéré comme un moyen efficace et privilégié pour produire du compost.
Le TMB constitue pourtant aujourd’hui un process en plein développement. De nombreux projets fleurissent sur le territoire (d’après l’ADEME, environ une quarantaine de créations et une trentaine de rénovations) comme nulle part ailleurs en Europe. Après des décennies de tri-compostage produisant un support de piètre qualité, le tri-mécano biologique est vendu comme la nouvelle solution « écologique » pour continuer à traiter les déchets ménagers non triés en valorisant la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM) en compost. Or sur le terrain, c’est une tout autre réalité : les « composts » issus de ces usines n’atteignent pas la norme sur les amendements organiques (NFU 44051), à respecter depuis le 1er mars 2009. Trop pollués, ces « composts » ne peuvent donc pas être utilisés par les agriculteurs !

Le magazine « Environnement et technique » dans son numéro de mai [1] enjolive un peu le tableau en citant les quelques très rares exemples qui « marchent » mais qui ne peuvent à eux seuls confirmer la règle. En outre, parmi les usines citées figure celle de Launay-Lantic, qui parvient à respecter cette norme grâce à un tour de passe-passe : le compost issu du TMB est dilué à hauteur d’au moins 40 % avec des déchets verts. Conséquence logique, les concentrations en polluants et indésirables diminuent.

Le passage des ordures mélangées dans un biostabilisateur avant le tri mécanique engendre la contamination de la FFOM. Rappelons par exemple qu’une pile sur trois seulement est aujourd’hui collectée sélectivement et qu’une très grande partie des déchets d’équipement électrique et électronique (DEEE) finit dans les ordures résiduelles [2], sans parler des déchets dangereux des ménages.

Ces réserves sur le TMB sont d’ailleurs émises par des personnes appartenant à d’autres sphères que celle des ONG : pouvoirs publics, ADEME ou représentants de collectivités. Les constructeurs d’usines de TMB reconnaissent parfois eux-mêmes qu’ils ne peuvent garantir la conformité à la norme NFU 44051, notamment en ce qui concerne les traces de métaux lourds (ETM – Eléments Traces Métalliques). La société Sita Sud précise, dans le mémoire rédigé en réponse au projet de TMB de Salindres (30), que « l’engagement de Sita Sud porte sur l’ensemble des critères de la norme, à l’exception des seuils d’ETM. En effet, toutes les études en retour d’exploitation démontrent que la teneur en ETM dans un compost est pour l’essentiel déterminée par la teneur en ETM dans les déchets livrés. Il s’agit notamment d’une pollution des matières fermentescibles au niveau de la collecte. » .

Les chiffres mentionnés dans l’article d’« Environnement et technique » pour chaque critère de la norme NFU 44051 ne sont absolument pas représentatifs de la réalité puisqu’ils comparent les données d’un seul site de TMB (Launay-Lantic) à la moyenne des données de 25 plate-formes de compostage de biodéchets. La preuve d’une qualité égale ou supérieure des composts issus de TMB par rapport aux composts issus de biodéchets n’est donc pas apportée.

Le grand nombre de projets de TMB va en outre poser le problème de l’absence de débouchés pour des quantités importantes de résidus qui devront finir leur vie en décharge ou en incinération. Les nouveaux taux de TGAP fixées par la loi de finance 2009 vont entraîner des surcoûts supplémentaires pour les collectivités, les déchets issus du TMB étant taxés au même titre que tout autre déchet entrant.

En résumé, le TMB n’est pas un outil permettant la valorisation matière et n’est qu’une étape préliminaire à la mise en décharge ou l’incinération.

Quelle est alors la solution durable ?

Plutôt que d’investir massivement dans de nouvelles usines de TMB ou dans le perfectionnement des usines existantes, il serait plus judicieux d’investir dans les systèmes de gestion de proximité des biodéchets ainsi que dans la collecte sélective afin de soustraire le maximum de déchets organiques des OMR. Dans son avis d’avril 2008 sur la gestion des déchets, le Conseil économique et social recommande également une « collecte séparative systématique des biodéchets ». Dans l’agglomération de Lorient, 37 kg de biodéchets sont collectés chaque année par habitant et permettent de produire un compost répondant aux critères de l’agriculture biologique, revendu aux agriculteurs de la région. Le compostage domestique individuel et collectif ainsi que la collecte sélective des biodéchets seront d’autant plus pertinents pour l’environnement et le porte monnaie du citoyen que la mise en place de la tarification incitative est prévue dans les 5 à 10 ans par le projet de loi actuel du Grenelle de l’environnement.

Plus d’infos sur la gestion des biodéchets dans notre synthèse sur le sujet.


[1« Compostage sur OMR : entre déclin et renouveau », Olivier Guichardaz, Environnement et technique N°286, mai 2009

[2Rapport « Technologie de l’information et de la communication et développement durable », MEEDDAT et MINFEFI, décembre 2008, disponible sur demande au Cniid.

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