Nom masculin formé du préfixe bio- (contraction de « biologique ») et du nom masculin réacteur du latin reagere (agir de nouveau).
Unité technologique dans laquelle la multiplication des micro-organismes est favorisée à des fins industrielles. Initialement utilisé dans la production alimentaire (ex. : bière, yaourts) ou médicale (ex. : vaccins, antibiotiques), ce terme a été étendu à l’industrie du déchet pour faire référence à des mégadécharges, et s’immisce désormais dans les textes de loi. Mais quelles transformations propulsent une décharge classique au rang de bioréacteur ?
Dans les installations de stockage traditionnelles, le processus de fermentation de la partie organique des déchets enfouis (déchets de cuisine ou de jardin, mais aussi papiers et cartons) émet non seulement du biogaz composé essentiellement de méthane, mais également des lixiviats (jus de décomposition, voir Décharge) qui peuvent s’infiltrer dans le sol. Des recherches ont permis de mettre en évidence que les membranes supposées isoler le sol des lixiviats pouvaient avoir une durée de vie moins longue que le temps nécessaire aux déchets organiques pour se décomposer. Pour limiter les pollutions, en attendant que la réglementation sur l’interdiction d’enfouissement des déchets organiques soit appliquée, les scientifiques ont imaginé un moyen d’accélérer la décomposition des déchets : le bioréacteur.
Dans un bioréacteur, on accélère la réaction de dégradation en humidifiant les déchets de façon continue avec leur propre jus de décomposition (lixiviat). L’effet collatéral de ce procédé, c’est qu’on accélère en même temps la production de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2 (dioxyde de carbone).
Qu’à cela ne tienne ! Les exploitants ont sauté sur l’occasion, voyant dans ce foisonnement de préfixes bio- une véritable caution verte pour l’industrie des décharges. L’installation de drains dans les casiers exploités en mode bioréacteur pour capter, et revendre, une partie du biogaz résultant de la réaction, a permis de faire du contrôle obligatoire d’une pollution – l’émission diffuse de méthane – une activité lucrative. En passant, le nouveau statut autoproclamé des décharges comme "productrices d’énergie verte" semble avoir fait oublier à tous l’interdiction, depuis 2002, d’enfouir des déchets non ultimes, ce qui inclut les déchets organiques.
Grâce à trois petites lettres (b, i, o) qui semblent garantir dans l’imaginaire collectif le bien-fondé écologique d’un tel mécanisme, l’industrie du déchet réussit un sacré tour de force : augmenter la rentabilité de ses installations en inventant une rustine (plus ou moins efficace) contre la pollution qu’elle a délibérément choisie de créer. En un mot : polluons plus pour gagner plus.
Ne dites plus "Mes ordures sont enfouies dans une décharge et produisent du méthane", dites "mes biodéchets se biodégradent dans un bioréacteur et produisent de l’énergie verte sous forme de biogaz".