Un rapport de la Cour des comptes concernant l’éco-organisme Eco-Emballages (et sa filiale Adelphe) a été remis au ministère de l’Ecologie et diffusé le 24 janvier.
Il pointe du doigt notamment l’incertitude quant à la capacité du dispositif géré par Eco-emballages de permettre l’atteinte de l’objectif de recyclage de 75 % des emballages de déchets ménagers à l’horizon 2016.
La Cour des comptes demande plus de transparence et un effort en direction des collectivités les moins performantes
En plus de ces remarques de fond, la Cour émet plusieurs critiques sur l’éco-organisme, notamment sur ses charges de structure « qui se sont fortement accrues en valeur absolue » et qui « devraient être mieux encadrées », dans la mesure où l’entreprise est supposée remplir une mission d’intérêt général.
L’effort devrait se concentrer, selon la Cour, sur une plus grande « transparence », en rendant « obligatoire, l’identification des coûts réels du service rendu par les collectivités ». Elle recommande également une action prioritaire dans les zones affichant de moins bonnes performances de collecte, qui sont situées principalement en milieu urbain, dans le sud-est de la France (10 collectivités visées) et en Ile-de-France (6 collectivités visées).
Ainsi, la Cour constate la forte « diversité des performances » entre les collectivités. Alors que la moyenne nationale de collecte est de 50 kg de déchets d’emballages par an et par habitant (dont 30 kg de verre), les meilleures en collectent « près de 100 kg » alors que les moins performantes se situent à 25 kg.
Le rapport est également critique à l’égard de la politique de communication de l’éco-organisme notamment concernant la signification du Point vert. En effet, ce logo est généralement compris comme une consigne de tri, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’afficher le fait que l’entreprise productrice de l’emballage s’est bien acquittée de son éco-contribution.
Le rapport relève cependant les progrès accomplis depuis sa création en 1992 en matière de recyclage : l’information auprès des consommateurs a été développée (5 milliards d’emballages portent aujourd’hui des consignes de tri), le bac de recyclage s’est déployé sur la majeure partie du territoire, l’industrie nationale du recyclage s’est considérablement développée (3 millions de tonnes de matériaux sont recyclées par an en France) et par ailleurs les entreprises ont réduit à la source leurs emballages (moins 20 % du poids moyen des emballages).
Clause de revoyure : l’avis de la Cour
Ce rapport est survenu à quelques jours de la négociation importante du 12 février, entre Eco-Emballages, les collectivités et le ministère de l’Ecologie sur une « clause de revoyure » prévue de longue date. La décision des pouvoirs publics concernant cette clause de revoyure est désormais annoncée pour le lundi 3 mars.
Cette clause est associée à d’importants enjeux financiers pour l’éco-organisme (enveloppe supplémentaire de 80 à 300 millions d’euros par an à la charge des entreprises adhérentes) dans le but de revaloriser le dispositif de soutien aux collectivités.
La Cour recommande de ne pas revoir cette clause (pas d’enveloppe supplémentaire donc), pointant les défaillances des collectivités dans l’atteinte d’un taux de recyclage de 75 % (le taux actuel étant de 67 %) sachant que le dispositif de soutien aux collectivités finance à l’heure actuelle à hauteur de 80 % le traitement de ces déchets, le reste étant financé par les impôts locaux (TEOM ou REOM principalement).
L’augmentation significative des prélèvements sur les entreprises adhérentes ces deux dernières années n’a en effet pas été corrélée à une augmentation des résultats en termes de performances de tri et de recyclage.
La Cour estime que cette absence de corrélation directe est due au dispositif lui-même, qui fait peser sur les éco-organismes des obligations dont la réalisation dépend très largement de tiers, en l’occurrence de la volonté politique des collectivités territoriales et du comportement des particuliers en matière de tri et d’apport volontaire.
De plus, la filière est susceptible d’accomplir de nombreux progrès, notamment sur la récupération des 5 % de non-contribuants (à l’éco-contribution), le déploiement du tri sélectif dans les grands centres urbains pas encore concernés et l’amélioration de la recyclabilité et du tri des plastiques (notamment les plastiques souples). Selon la Cour, ces progrès devraient entraîner de fortes dépenses pour des résultats incertains. Cette position est ambiguë car ces dépenses supplémentaires devront être prises en charge d’une manière ou d’une autre, et risquent logiquement de peser in fine sur les collectivités.
Gageons que cette éventuelle absence de clause de revoyure n’handicapera pas les collectivités dans l’augmentation de leurs taux de recyclage, mais qu’elle participera à la remise en cause du système fiscal obsolète de gestion des déchets massivement basé sur la TEOM (et donc sur la taxe foncière et non sur la quantité de déchets produits), en encourageant les collectivités à finalement adopter une redevance incitative basée sur le coût réel du service.