Le PNUE vient de publier un rapport sur la gestion des déchets dans les pays développés et en développement et ses impacts sur le changement climatique.
Ce document officiel réaffirme que la prévention des déchets et le recyclage sont les outils les plus efficaces pour éviter l’émission de tonnes de CO2 par rapport à l’incinération et à la mise en décharge. On peut alors s’interroger sur la prise en compte effective de ce constat par les parties prenantes des mécanismes de développement propre [1] (ci-après MDP) qui visent à organiser le soutien des pays développés aux pays en développement à travers le financement de projets de lutte contre les changements climatiques. La nature des projets financés via les MDP [2] est en effet incohérente avec le constat dressé dans le rapport, la majorité des projets "déchets" financés dans le cadre des MDP dans les pays en développement consistant à mettre en place le captage du biogaz dans les décharges.
Or il est expliqué dans le rapport que les déchets mis en décharge dans les pays en développement ne sont ni tassés ni recouverts ce qui n’entraîne pas la création des conditions favorables au développement des bactéries méthanogènes. Les décharges des pays en développement sont donc bien moins émettrices de méthane que les décharges aménagées des pays développés.
Il est bien sûr nécessaire de limiter les émissions de méthane dans l’atmosphère, mais le seul export de technologies du nord dans les territoires du sud n’est certainement pas, dans ce cas, la réponse la plus pertinente. Le captage du biogaz dans les décharges du pays du sud nécessite d’augmenter leur production de méthane par tassement et recouvrement, sinon il ne peut être capté et les installations ne sont pas rentables. Pour répondre à l’impératif économique de la rentabilité, il faudrait donc enfouir de plus en plus de biodéchets dans les décharges pour qu’elles produisent de plus en plus de méthane. Vous avez dit absurde ?
Une réorientation écologique et durable des financements alloués dans les MDP "déchets" consisterait à soutenir l’organisation de la déviation pérenne des biodéchets des décharges. Cela peut être réalisé par la gestion décentralisée des biodéchets. C’est d’ailleurs ce que nous devrions faire également dans les pays du Nord car la problématique de la gestion des biodéchets n’est pas foncièrement différente selon l’endroit où l’on se situe sur le globe. Aujourd’hui, le seul financement des systèmes coûteux et complexes de captage de méthane sur des décharges "brutes" n’apporte pas une réponse durable au problème des émissions de gaz à effet de serre liées à la gestion des déchets… Mais il assure les bénéfices des multinationales du Nord qui « œuvrent » dans le secteur des déchets !
[1] Le mécanisme de développement propre, ou MDP, est un outil de marché qui permet aux pays développés d’acquérir des crédits d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et ainsi de remplir leurs objectifs de réduction d’émission de GES en échange du financement de projets basés sur l’export de technologies visant à éviter ou réduire les émissions de GES des pays en développement.
[2] 18 % des MDP concernent la gestion des déchets.